La saison dernière, à l’approche du derby basque entre Biarritz et Bayonne, Cédric Heymans, tout nouvel ailier de l’aviron, avait retrouvé sa maison taguée « allez BO »…. à la mousse à raser ! L’anecdote symbolise assez bien l’état d’esprit des aficionados du rugby.
Aujourd’hui, ce sport jouit d’un engouement toujours plus important. Mais derrière les statistiques et les nombres se cachent des amoureux qui aiment l’ovale sincèrement. Allons à la rencontre de ces 16èmes types.
Paris, Champs-Elysées. Adidas Store.Mercredi 14 décembre 2011.
Ce matin, la « plus belle avenue du monde » porte bien son nom pour les fans de rugby. Au programme : séance de dédicaces avec 4 tout frais champions du monde All Blacks. Et pas les moindres. Le 3ème ligne et capitaine Richie McCaw, les deux 2ème lignes Sam Whitelock et Ali Williams, l’arrière Israël Dagg sont en tournée pour leur sponsor.
Le magasin est bondé. La foule déborde hors des murs, envahissant le trottoir d’habitude si large, aujourd’hui si petit. Mais pour cette expérience unique, on ferme exceptionnellement le magasin quelques instants : extinction des lumières, l’estrade et le paravent tatoué « World Champion 1987-2011 » disparaissent. Noir total, seuls les écrans des smartphones brillent avant l’arrivée des géants. Petit flottement. Quelques secondes qui paraissent des minutes. Puis les amplis sont poussés à fond : bruits de crampons mixés au haka… la lumière revient peu à peu avec les applaudissements et les 4 silhouettes entr’aperçues dans la pénombre révèlent enfin les visages attendus. Ils sont là à quelques mètres. Bientôt quelques centimètres. La magie peut commencer.

Les 4 champions du monde en pleine séance de dédicaces. De gauche à droite : Sam Whitelock, Richie McCaw, Israël Dagg,
et Ali Williams.
Anthony, 20 ans, est originaire de l’Aveyron et veut rencontrer les stars. « L’esprit du rugby, c’est avant tout le fair-play », dit-il en attendant son tour, « c’est aussi les valeurs de combativité mais c’est vaste… ». Pour lui, l’ovalie reste encore loin des travers du foot : « On y trouve des notions de fraternité ‘à la vie, à la mort’ toujours d’actualité malgré le professionnalisme ! ». Juste à côté, Pierre, 40 ans, pense que l’ambiance autour et dans le stade, mais aussi le jeu, incarnent les valeurs rugbystiques. « Je suis souvent à Perpignan et quand on va voir l’USAP, c’est un peu comme si le ’village’ se réunissait autour d’un évènement.Le stade, c’est un endroit où l’on se rencontre ». On lui rappelle que Richie McCaw, qui se trouve à portée de passe, aurait déclaré que les français étaient des tricheurs : « c’est symbolique, les déclarations font partie du jeu pour déstabiliser l’adversaire » répond-il instantanément. Etienne,21 ans, étudiant en Staps, mitraille les champions du monde. Il aime le sport et surtout le rugby parce que « c’est beaucoup plus réglo ! On a l’impression d’être en famille, de tous se connaître ! ». Daphnée, 19 ans est plus terre à terre « Accessoirement, ils sont beaux ! Je regarde parce que, à la base, mon père regarde ! Mais j’aime ce jeu d’équipe, cette solidarité. En plus lorsque l’on va au stade c’est ‘no problem’ ! ». De cette mêlée de fans émerveillés,émergent Laurence, Leslie et Sandrine, la quarantaine, hilares. Elles aiment le hand avant tout mais reconnaissent parfaitement la valeur de cet esprit dont nous parlons « La mentalité du rugby, c’est respect, fair-play, c’est le sport tout simplement ! En revanche, on craint que l’économie change la donne. » Et elles ajoutent « Mais le calendrier (des « Dieux du Stade lancé par Max Guazzini et le Stade Français qui expose les joueurs sous toutes les coutures), ce n’est pas très positif !!! ». Le hasard des échanges nous mène à Marie, 25 ans, qui travaille pour la Ligue Nationale de Handball « Je suis fan de sport depuis longtemps. Mais le rugby, c’est le plus intéressant. Il y a plus d’action, plus de contacts. Le football reste le plus populaire mais c’est au rugby que l’on voit le plus de spectacle. ». La jeune femme semble passionnée : « mon club de cœur, c’est Biarritz, le BO. ». Pourtant, elle n’a découvert ce jeu et ce milieu qu’en 2007 : elle était alors bénévole pour la Coupe du Monde de Rugby qui se déroulait en France. « Les valeurs ? C’est le respect de l’autre et le respect des règles qui sont omniprésents. L’ambiance est très familiale et que ce soit les gens ou les joueurs, ils ne se prennent pas la tête. Et l’argent ne gâche pas encore la beauté de ce jeu ».
Peu à peu, l’émotion se dilue et les visiteurs s’éparpillent. Leurs devoirs accomplis, les all-blacks disparaissent. Direction l’autre côté de la planète. Petit saut dans le temps.
Rue de la Soif, Pub Eden Park. 17 mars 2012. Le XV de France est en quête de rachat pour le dernier match d’un tournoi 2012 raté. Il affronte un Pays de Galle revanchard depuis la dernière ½ finale de coupe du monde. Un adversaire favori pour réaliser un nouveau grand chelem. L’affaire est même entendue selon les observateurs.
A Cardiff, dans l’enfer du millénium, les diables rouges sont soutenus par 70 000 spectateurs. A Paris, quelques supporters bleus, eux, ont décidé de plaquer le confort de leur canapé. Ce samedi après-midi, ils s’entassent dans l’écrin de ce petit paradis du rugby pour voir le match. « Je suis là pour l’ambiance, c’est toujours plus sympa que de rester devant sa télé » lance Bastien, 27 ans, physique passe-partout. « On peut partager, communier avec d’autres français, c’est mieux que de rester isolé chez soit. Y’a toujours un bon état d’esprit dans le rugby, alors ça pourrait être sympa de croiser des gallois. Celui qui gagne paie un verre à l’autre, ça a toujours été comme ça ! ». La convivialité et l’échange priment selon lui. « Les valeurs sont bien plus présentes qu’ailleurs. Ce sont des valeurs de solidarité, de combat, qui recouvrent une certaine noblesse ». Loin des clichés alcoolisés, Bastien relève l’aspect familial et culturel du rugby : « Malgré l’argent et le professionnalisme, il y a quelque chose d’ancestral qui perdure. J’ai joué, je suis le rugby depuis petit. Je tiens cela de mon père et de mon grand-père. C’est quelque chose qui se transmet de père en fils ». Et quand on lui demande qui devrait remporter ce match, Bastien répond que ce ne serait pas un scandale si les gallois gagnaient. Le décor est planté, les supporters sont prêts. Alors, Place aux hymnes. Quelques gorges se brisent sur la Marseillaise et se soignent dans la foulée avec une gorgée de houblon. Le « Land of My Father » de nos cousins celtes est applaudi. Martine, 50 ans, look BCBG, aime ce cadre sympa qui permet de mieux vivre l’évènement. « Je suis d’une région de rugby. Mon père jouait. J’aime bien suivre mais je ne suis pas une experte ! ». Elle est venue avec son mari Patrick et son neveu Rémy. « Ce sport incarne le courage, c’est un sport difficile, il y a beaucoup de chocs. Et il représente bien aussi la solidarité entre les membres d’une équipe… ».
Malheureusement, le match passant, les diables rouges, plus forts et mieux organisés, confirment le scénario prévu. En dépit de quelques soubresauts du XV de France vécus avec enthousiasme par les fans présents, les bleus s’inclinent. Au moment de partir, on demande à un groupe de supporters s’ils reviendront ici pour les prochaines joutes : « oui, ne serait-ce que pour entendre avec plaisir les magnifiques chants de nos adversaires !». La réponse est belle et nous fait rêver. Petit saut dans le temps et dans l’espace.
Angleterre. Du côté de Londres et ailleurs. Avril 2012. Une mini-révolution vient d’être étouffée. La Reine en est sortie indemne. Et le rugby de la rose aussi. Tout est pourtant parti d’une bonne idée lancée en 2004. A l’occasion de l’ouverture de chaque nouvelle saison, la 1ère journée de Premiership, – le nom du Top 14 chez nos meilleurs ennemis -, connait une particularité : le « London Double Header ». Sur la même pelouse, deux matches se succèdent dans le même après-midi. Ce rendez-vous est commun aux quatre clubs de Londres (désormais 5 en élite avec la montée des London Welsh mais ces derniers ne sont pas concernés) : les Harlequins, les Saracens, les Wasps et les London Irish.
La mythique enceinte de Twickenham devient ainsi le temple coloré de la fête du rugby londonien. Et les 75 000 fans conviés ont double ration de jeu. Mais voilà , cette année, les organisateurs de Premiership Rugby ont voulu faire « mieux ». Entendez « écouler les places en vente plus facilement ». Ils ont divisé le stade en 4 sections pour attribuer une partie à chaque club. Un stade coupé en 4 ? La communion chacun dans son coin ?« No we can’t ! » ont fait savoir les supporters de toutes les équipes. Cette répartition identifiée à de la ségrégation a été conspuée et décrite comme étrangère aux valeurs du rugby. Personne ne s’en est aperçu mais, l’espace de quelques jours, le pays fondateur du jeu de rugby a tremblé sur ses bases. Les fans se sont mis à imaginer les modes de contestations les plus originaux et les plus en phase avec leurs valeurs. Outre-manche, on en était à croire que ce ballon se mettait à tourner rond… Pas longtemps heureusement. La raison a fini par l’emporter. Les responsables de cette initiative ont sans doute révisé l’histoire de ce sport étrange où l’on veut être ensemble. Ils ont fait machine arrière en réfutant toutes mauvaises interprétations : le placement est resté libre dans le stade. Et les supporters ont pu se mélanger le 1er septembre dernier.
Dans la convivialité et le respect !
Retour en hexagone. Dernièrement à l’occasion de la réception du Stade Français pour le compte de la 8ème journée de Top 14, les supporters de Mont-de-Marsan avaient choisi de manifester leur mécontentement vis-à -vis de l’arbitrage de manière humoristique.
Nez rouge sur le nez et banderole déployée dans les gradins du Kop, avec ce message : « Arbitres : les Montois ne sont pas des clowns ! ».
Il paraît que l’on a les supporters que l’on mérite… – S.L
On sent que tu prends de la graine dans ton écriture ! Allez mon frère, Rugby needs you !
Galou.Date: Tue, 11 Dec 2012 17:26:18 +0000 To: black_elite@hotmail.fr