Depuis la saison 2009-2010, le championnat de France de rugby s’est orné d’un nouvel appendice: des matchs de barrages supposés pimenter la formule des play-offs et la course au titre. Pourtant, à l’issu de la 3ème édition, l’intérêt sportif de ce tour préliminaire apparaît limité.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Parce que le rugby hexagonal a toujours su inventer les formules les plus alambiquées de la planète. Quoi que. Il faut dire que la formule du Super 15 *, née l’an passé, n’est pas triste non plus. Mais que voulez-vous, et pour paraphraser une célèbre sentence, il faut jouer plus si l’on veut gagner plus. On parle d’argent bien sûr parce que sur le plan sportif, c’est moins évident.
CQFD. Reprenons au début. Le Top 14, c’est …14 équipes. Le piège n’est pas là. Les deux dernières à l’issu des phases de poules descendent, les 6 premières sont qualifiées pour jouer la HCup, la Coupe d’Europe des Clubs et Provinces, la saison suivante. Auparavant les clubs classés de 1 à 4 se retrouvaient en 1/2 finales pour jouer le titre. Déjà, pour le grand public, ne pas sacrer l’équipe en tête lors du dernier match retour est parfois difficile à comprendre. Mais il faut rappeler que pour tout bon fan de rugby les phases finales sont le sel de ce championnat depuis longtemps. Que ces rencontres de printemps ont une saveur particulière, que l’incertitude d’une partie sous le soleil de mai vaut toutes les joutes de l’automne et de l’hiver réunies : les hommes de l’ovale se transcendent, les cœurs des supporters se serrent, sautent et exultent, les grandes chevauchées balle en main ne sont pas systématiquement au rendez-vous mais le suspense existe malgré les plans de jeu toujours plus préparés et minutés. Ainsi, il y a 3 ans, la Ligue Nationale de Rugby (LNR) décide d’aller plus loin en ajoutant des barrages : désormais les 6 mieux classés pourront rêver de titre. Les 2 premiers accèdent directement aux demis, et les 4 suivants jouent des quarts de finales qui n’en sont pas (puisqu’il n’y a que deux 1/4 et non 4). Une nouveauté censée satisfaire d’abord les clubs et les diffuseurs en créant de nouvelles recettes, ensuite le public en ajoutant un nouvel épisode à la saison. Une nouveauté censée aligner le nombre de clubs européens sur le nombre de participants à la lutte finale. Bref, une nouveauté censée apporter plus d’espoir « aux petits ». Sauf que…
L’exception qui confirme la règle ? Depuis 2009-2010, grâce à la nouvelle formule, 6 équipes (NDLR : celles classées 5ème ou 6ème) ont eu l’opportunité de se mêler aux play-offs. Et les statistiques sont cruelles. Une seule a franchit le cap des barrages, accédant même à la finale : Montpellier l’an passé. Pour les autres néo-invités, les barrages ont été synonymes de défaites. Aucun des numéros 5 et 6 n’a donné de légitimité à ce tour de brassage. Cette année pas plus que les autres : vendredi, les héraultais chutaient lourdement face à Castres 31-15, quand le lendemain le Racing, plus en verve, s’inclinait (17-13) devant Toulon après l’avoir longuement chahuté.
En revanche, un match de plus s’est incrusté dans un calendrier déjà bondé à l’extrême. Un match apportant son lot de fatigues nerveuses et physiques, de blessures, de désagréments non négligeables lorsque les protagonistes sont toujours en course pour l’Europe.
Déjà lors de la première édition, le manager Toulousain s’insurgeait : après la victoire (35-12) face à Castres, Guy Novès avait réitéré ses critiques vis-à-vis des matchs de barrages, les qualifiant d’« hérésie ». La semaine précédente, il s’était mué en opposant résolu qualifiant la formule de « parcours du combattant stupide« . Pour l’anecdote, quinze jours plus tard, le Stade remportait la HCup et si l’on connaît le caractère passionné du coach rouge et noir, il faut reconnaitre qu’à ce jour, sa sortie garde tout son sens sur le fond. Et au vu de son palmarès (notamment 19 demi-finales successives en championnat) , on peut penser que l’homme connait un peu le rugby.
Morts-nés. Pour autant, ces barrages sont-ils voués à disparaître ? Peut-être. Peut-être pas. Tout dépendra de la forme que prendra le Top 14 à l’avenir puisque la LNR planche encore sur une possible évolution d’ici à 2013 **. Mais, peut-on être sûr d’avoir le recul nécessaire après seulement trois éditions ?
Une chose est sûre. Aujourd’hui, ces barrages ont sans doute permis à une équipe comme Castres de grandir et de s’installer en haut de l’affiche de façon pérenne. Éliminé 2 fois en 1/4 de finale lors des précédentes saisons, le CO vient de passer un cap en accédant au dernier carré avec sa victoire (31-15) sur le Vice-Champion de France montpelliérain, vendredi soir. Cela avec le 10ème budget (15,12 millions d’euros) de l’élite. L’intensité de ces matchs couperets (ajoutés à ceux de HCup) permet évidemment d’emmagasiner énormément d’expérience, même en cas de défaite. Mais à quel prix ? Les autres « barragistes » n’ont pas connu le même bonheur. Et pour progresser, autant faut-il pouvoir accéder régulièrement aux 6 places en or, ce qui avec un championnat chaque année plus exigeant est loin d’être évident. D’ailleurs, la participation à ces matchs n’est qu’un élément parmi d’autres dans un plan de progression. Castres, défait d’un point sur sa pelouse par Montpellier l’an passé, aurait déjà du connaître les demis (et un autre destin?) si l’ancienne formule n’avait pas été remplacée. Et sans faire injure à l’impact qu’ont des play-offs sur la vie d’un club, les tarnais récoltent surtout les fruits d’une politique interne visant le long terme. Alors quel est l’apport sportif de ces vrai-faux 1/4 de finale ? Combien de temps encore va-t-on nous vendre ces fameux barrages dont l’existence semble de moins en moins justifiée par les résultats enregistrés ? La réponse tombera, au plus tard fin juillet-début août, avec l’annonce des conclusions des travaux menés par la LNR. On saura alors si la formule actuelle doit être renforcée. Ou si les édiles de l’ovalie tricolore ne décident de barrer ces barrages au feutre noir. Sans se mouiller, on parierait « un abonnement à vie pour assister à la finale du championnat en loges VIP »… pour la 1ère option ! -S.L
* Le Super 15 est une compétition internationale qui oppose quinze néo-zélandaises, australiennes et sud-africaines. Auparavant Super 14, une quinzième franchise a été introduite en 2011. La compétition se déroule de février à août et comprend une première phase de poules suivie d’une phase finale à élimination directe sur trois tours. Il y a 3 conférences. Chaque franchise joue en matchs aller et retour contre les quatre autres équipes de la même conférence et dispute également quatre matchs contre quatre des cinq équipes de chacune des deux autres conférences, soit un total de 16 matchs par équipe dont 8 à domicile. Les vainqueurs des trois conférences et les trois autres équipes (wildcards teams) qui comptent le plus de points sont qualifiés pour les playoffs. Les deux vainqueurs de conférences qui comptent le plus de points sont qualifiés directement pour les demi-finales, ils sont rejoints par les deux vainqueurs d’un tour éliminatoire disputé par les autres équipes qualifiées en play-offs. Les tenants du titre sont les australiens des Queensland Red.
** Pierre-Yves Revol, le patron de la LNR, pilote une commission qui doit statuer, avant la reprise prévue le 18 août, sur une possible évolution de la formule du championnat pour la saison 2013-2014. Pour ces travaux, tenants du changement (Paul Goze –USAP ; Jacky Lorenzetti – Racing-Métro) et tenants du statu quo (René Fontès – Clermont ; et René Bouscatel – Toulouse) ont été sollicités. Le passage à 16 clubs contre 14 aujourd’hui doit être discuté. Le nombre de matchs de phases finales ainsi qu’un tournoi entre les équipes classées jusqu’à la dixième place pour distribuer les tickets européens seront sans doute évoqués. et le quatrième reçoit le cinquième. Les vainqueurs affrontent respectivement le deuxième et le premier.
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