C’est un XV de France transformé qui se rendra à Twickenham samedi à 18h. Pour faire taire les mauvais augures et défier le XV de la Rose, Philippe Saint-André a changé 8 titulaires et compte sur l’imprévisibilité ancestrale des bleus. Un discours suffisant pour sauver la méthode ?
coup de balai. Avec cinq joueurs renvoyés chez eux (Mermoz, Taofifenua, Chouly, Forestier, et Ouedraogo, blessé) au lendemain de la 2ème défaite des bleus face au Pays De Galles, on s’attendait à du remue-ménage dans le XV de départ appelé à jouer l’Angleterre. On s’attendait aussi à du «remue-méninge » et à une petite remise en question du staff concernant le plan de jeu.
Finalement, c’est plus de la moitié de l’équipe qui a valsé : Domingo et Kayser entrent en 1ère ligne, Samson en 2ème, Nyanga en 3ème, Parra et Trinh-Duc formeront la charnière, Clerc revient à l’aile et Fofana glissera au centre (enfin !).
Mais pour ce qui est de l’aspect « technico-tactique », -à part l’intention affichée de jouer dans le second rideau défensif, juste dans le dos du premier mur de joueurs-, circulez messieurs dames… Philippe Saint-André n’a rien livré de ses intentions ou de sa réflexion. Au contraire. Et sa réponse fût cinglante devant l’insistance maladroite d’un intervenant à la conférence de presse.
Droit dans les talanquères. «Ca se voit que vous avez joué au rugby vous… ». Voilà, c’est fait et que cela soit dit. Les paroles du sélectionneur sont sans équivoque. Désormais, toute question qui dérangera un peu aura droit à un regard noir, un petit rire sarcastique et à ce genre de suspicion : Avez-vous le label requis pour interroger ainsi le patron du XV de France ? En ces temps de carnaval où l’on apprend que le cheval se fait passer pour un bœuf, il ne faudrait pas qu’un journaliste lambda se permette d’aborder la problématique du fond de jeu et de son socle. Non mais ? Tout de même ! Et dorénavant, il faudrait prévoir que chaque journaliste vienne avec son ancienne licence de cadet sous peine de ne pas accéder à la salle de presse. Que cela soit dit ! D’ailleurs, c’est bien connu, les journalistes politiques ont tous, un jour ou l’autre, exercé un mandat ou été délégué de leur classe de 5ème 6 au collège Henri Guillaumet. Sinon, il leur serait impossible de comprendre les affres de la vie publique… Alors si d’aventure vous suivez le rugby, vous avez intérêt à avoir tâté du cuir au préalable.
Au passage, on imagine la résonnance qu’aurait eue cette remarque si le sélectionneur avait été celui du ballon rond. Mais ici il s’agit d’ovalie. Et quelque part on n’est pas loin du célèbre « tu-m’-emmerdes-avec-ta-question » de Lièvremont. Comme quoi PSA s’inscrit bien dans la continuité.
Mer plate avant l’ouragan. Mais au-delà de cette manifestation de mauvaise humeur, il faut bien l’avouer, dans ce tournoi des 6 nations 2013, le discours du sélectionneur, lui, est un peu trop carré, étudié voire éprouvé. Depuis la défaite en Italie, on aimerait un peu plus de sincérité et un peu moins de… poncifs. Du latin, punctum. Vous savez, quand autrefois, chez nos amis latins (ah ces italiens..), pour reproduire une esquisse, on la piquait de trous sur ses lignes principales et on y passait ce petit sachet de poudre, la ponce. A croire que cette leçon-là a été ramenée de Rome. Car la conférence de presse du boss des bleus nous a livré un discours d’une incroyable platitude en ces jours de tempêtes où la France s’achemine peut-être vers sa 3ème défaite de rang dans le Tournoi : du jamais vu depuis 1982 !
Non, l’annonce de 8 nouveaux titulaires ne devrait pas être un évènement. Qu’importe si la charnière a été totalement remaniée, la 1ère ligne au 2/3 changée, Fofana enfin replacé à son poste de prédilection, qu’importe la complémentarité toulonnaise louée 15 jours auparavant (seul Bastareaud reste au centre quand Michalak retrouve le banc et Mermoz reste …« en rade »). Qu’importe les contradictions de façade. Enfin, tous ceux qui ont, un jour ou l’autre, joué au rugby savent cela ?… N’est-ce pas Philippe Saint-André ? « Après 2 défaites, il fallait apporter de la concurrence, de la fraîcheur… ». C’est vrai que François Trinh-Duc et Morgan Parra ne sont pas non plus des inconnus. Et on imagine aisément que Philippe Saint-André voit plus loin : «tu ne vas pas à une coupe du monde avec une charnière, tu y vas avec deux charnières ». Car il semblerait que ce ne soit pas une sanction pour Michalak. « Il a un peu pioché physiquement ». Et logiquement, pour l’expérience commune et la nécessité d’avoir un buteur sur le terrain, « à partir du moment où on voulait voir François, Morgan entre »…
Bon, on veut bien entendre que le staff des bleus a une idée du jeu à installer et qu’il s’y tienne, que les joueurs soient interchangeables mais pas le système. Oui, on veut bien accepter de croire que ,quand tout va bien, la Coupe du Monde est encore bien loin et que, quand tout va mal, les sacrifices se font en son nom…
Mais, justement, on aurait bien aimé que Philippe Saint-André nous parle de son système et de ses ajustements.
CQFD. En fait, au lieu de véritables éclairages qui pourraient prévenir, excuser ou du moins expliquer tout échec, l’assistance a eu droit, en guise d’esquives, à une série de phrases toutes faites : « Ils sont déterminés, ils sont frais », « il faut mettre de la concurrence », il faudra « être courageux » « être très fort dans les duels » car « il y aura beaucoup d’engagement ». Bref, attendez-vous à un match de rugby. On en passe et des meilleures, avec pour finir, la cerise sur le gâteau, l’ambition ultime, pour gagner chez l’ogre Anglais, devinez-quoi ? « Il va falloir être français samedi, courageux, audacieux, imprévisible.. ».
Mais oui, bien sûr, sommes-nous sots ? Et nous qui voulions parler fond de jeu, systèmes défensifs et combinaisons offensives… Nous nous trompions ! Pour gagner en Angleterre, il faut avant tout…être Français. Oui, bien sûr, puisque nous sommes dos au mur rebellons-nous ! Faisons appel à l’esprit de Twickenham (1999) et de Cardiff (2007), lorsque nous avons abattu le colosse All Black à la surprise générale. Et puisque nous sommes en Angleterre, oui, soyons fous, tentons un coup de Trafalgar, oui, et dupons nos meilleurs ennemis… Oui !!! Sauf qu’à l’époque… l’histoire était toute autre : ce sont les français qui sombrèrent, Bonaparte qui perdit sa flotte entière car les anglais avaient un plan. Holà, là, attention, ne parlez pas de plan, on va nous demander notre licence. – S.L
Le XV de France face à l’Angleterre : 15 Huget, 14 Clerc, 13 Bastareaud, 12 Fofana, 11 Fall, 10 Trinh-Duc, 9 Parra, 7 Dusautoir (cap), 8 Picamoles, 6 Nyanga, 5 Maestri, 4 Samson, 3 Mas, 2 Kayser, 1 Domingo.
Remplaçants : 16 Szarzewski, 17 Debaty, 18 Ducalcon, 19 Suta, 20. Claassen, 21 Machenaud, 22 Michalak, 23 Fritz
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