Depuis 15 ans, le trail attire toujours plus de passionnés : presque 500 000 adeptes auraient aujourd’hui adopté ce sport qui allie nature, respect et effort. Sur notre territoire, plus de mille courses leur servent de terrain de jeu : montagnes, vallées, forêts, environnement urbains… tout est bon pour assouvir cette pratique, alors de nouveaux parcours sont créés chaque année. Focus sur la 1ère édition du Samoëns Trail Tour.
« On espère qu’il y aura une belle journée et surtout, beaucoup de convivialité avant, pendant et après. Parce que c’est ça le trail. Ce sport véhicule le respect des autres, de l’environnement et de la montagne. ». La détermination planté au cœur de ses yeux verts, Jérôme Poiron, 42 ans, est l’un des deux créateurs de ce nouvel évènement de la vallée du Haut-Giffre. Le sport a toujours fait partie de son cheminement : la marche, la course à pied sur 10,15, 20 kilomètres. Puis les années passant «du foot, et du tennis » mais de son aveu même « surtout du sport loisir ». Et depuis un an, le virus a repris le gaillard d’1 mètre 82 : « je cours plus régulièrement. C’est David qui m’a initié au Trail et m’a donné l’envie d’en faire. La 1ère fois que l’on a couru ensemble, c’était pour la reconnaissance du parcours. Et après, on est allé à Gap pour participer à la Gapen’cimes. » . David, c’est David Justo, l’autre fondateur de ce Trail. A seulement 23 ans, lui a cessé le foot pour assouvir son coup de foudre : « l’état d’esprit ne me convenait plus, pourtant je jouais depuis l’âge de 6 ans. Il y a 1 an, j’ai décidé de me consacrer uniquement au Trail. ». Comme souvent lorsqu’il s’agît d’histoire d’amour, le hasard n’est pas bien loin : « Il y a quatre ans, je me suis inscrit à une course qui avait lieu ici, le Trail des Frahans (qui n’existe plus depuis). Je l’ai faite pour déconner et j’ai fait un bon résultat en arrivant 14ème. Cela m’a donné envie d’aller plus loin. Ensuite, d’année en année, j’ai fait des podiums espoirs, et depuis que je suis sénior, je réussis à terminer régulièrement dans les vingt premiers ».
Son physique de « gazelle » ou plutôt de « chamois »,-1mètre75 pour 62kg-, lui permet de se frotter à tous les formats du 30 au 50 kilomètres, voire au delà. Alors le jeune homme enchaîne les courses avec délectation : le Trail des Fiz, Gapen’cimes, l’ultra Tour du Môle, l’Eco Trail Praz de Lys- Sommand, Le Trail des Allobroges… Pourtant, pas vraiment d’entraînements spécifiques à son programme : « L’hiver, on boit des canons (rires) !!! A partir de février je commence à courir et à grimper mais sur la route. Après, je fais des sorties de 20 à 25 bornes, 4 à 5 fois pas semaine. ». C’est lui qui a inspiré les tracés des 2 courses(1) qui sont au programme du Samoëns Trail Tour : « de tête, à force d’y aller, je les avais mémorisés ! Ils se sont imposés naturellement. Après, il y a eu quelques modifications liés aux impératifs demandés par la préfecture et pour pouvoir obtenir les 2 points UTMB(2) qui concernent le grand parcours ».
Jérôme poursuit : « ce sont des chemins que l’on connait bien ici… De toute façon, on a tout pour réussir un tel projet ici : une base de loisir pour l’accueil, la beauté du site, du village, de supers montagnes. Le terrain est complet : on a du technique, de la forêt, du chemin, de la prairie, du rocher, de très belles vues… ». Pour lui, le Trail véhicule autre chose que l’activité physique : « cela permet de redécouvrir des chemins de montagne, la nature, la liberté, le plaisir…par exemple, la dernière que j’ai couru, j’ai fait 20 kilomètres sans les voir passer… j’habiterai à Paris ou dans une grande ville, je n’irai pas … ICI, on peut changer de chemin tous les jours à l’entraînement… Et en même temps, c’est un sport individuel mais d’équipe. Il y a toujours de l’entraide, du soutien ». Et ces valeurs ne sont pas étrangères à son envie de se lancer dans cette aventure.
La genèse. En juillet 2012, les deux hommes, serveurs au pub irlandais « Le Covey’s », partagent une partie de foot quand David lance l’idée. « Je trouvais dommage qu’il n’y ait pas de course dans le coin. Jérôme faisant partie de l’association « Gérald Pasquier » (qui a pour but de créer des évènements sportifs et autres afin de récolter des fonds. Ces fonds sont reversés aux familles d’enfants malades de la vallée de Samoëns ou à des associations qui apportent leur soutien aux personnes handicapées), je lui ai demandé si ça pouvait l’intéresser ». Alors, comme le dit Jérôme, les choses se sont enclenchées très vite : « mon association n’avait pas trop d’activités depuis deux années. Je me suis dit que cet évènement était l’occasion de la remettre en selle et de faire découvrir « notre jardin » aux gens qui ne sont pas de la vallée. C’était aussi une opportunité de faire connaitre Samoëns et ses environs : d’ailleurs, 75 à 80% des inscrits ne sont pas du coin.»
Les deux « papas » ne savent absolument pas comment procéder pour donner naissance à leur joli bébé. Ils se renseignent un peu partout, passent de nombreux coups de fils. « On a reçu le dossier de la Fédération de Course Hors Stade, fin Août, et fin Septembre, la date était bloquée. Le dossier a été validé début avril par la préfecture. ». Le début d’un très long processus administratif confesse l’ainé : «Cela ne nous a pas effrayé parce qu’en se lançant, on ne le savait pas…(rires) Mais comme on n’est pas du genre à renoncer… Au moins pour l’an prochain, on sait qu’il faudra s’y mettre plus tôt. » . Peu à peu, à la manière des anciens tailleurs de pierre de la confrérie des Frahans qui ont fait la renommée de la vallée, le binôme commence à façonner son ouvrage. Dès septembre, démarches et recherches de sponsors sont enclenchés. Mais heureusement, sur ce chemin sans fin, tombe parfois une aide inattendue « Par exemple, le logo, les tracts et les affiches nous ont été offertes par une connaissance ».
Les mairies de Samoëns, Verchaix et Morzine sont approchées et donnent leur aval pour le déroulement de la course. La 1ère apporte même un soutien enthousiaste et financier. Pas étonnant pour David : « Les retombées d’une telle course sont aussi financières et concernent chacun. Quand la plupart des participants ne sont pas de Haute-Savoie, il faut bien qu’ils se logent, qu’ils mangent…donc les hôtels, les restaurants vont travailler, le tourisme va tourner à fond. Et c’est important pour tous les habitants des environs ».
Durant un an, les 2 complices vont aussi se transformer en messagers et rassembler les « bonnes âmes » indispensables à tout évènement de cet ordre : les bénévoles ! Leur discours est identique et mise sur le collectif, l’entraide, la solidarité : « Nous sommes les leaders de ce projet mais nous n’avons pas vocation à faire la leçon à chacun. Et dès les 1ères réunions, nous allons essayer de faire passer aux bénévoles le message suivant : si vous vous engagez, faîtes le à fond. Engagez-vous à respecter votre rôle. Bien sûr, pour les motiver, on leur parlera de l’impact que cela aura sur Samoëns et sa vallée. Ils contribueront déjà à la réussite de la course. Mais il faut aussi qu’ils maîtrisent l’idée que l’image qu’ils donneront marquera les esprits. Il faut une équipe organisatrice joyeuse, dynamique et à la hauteur de l’évènement ».
Monter tout là-haut. Et lorsqu’une course a pour berceau la montagne, en matière de sécurité, les exigences sont élevées : David et Jérôme s’y plient, contactent les représentants des secours en montagne(3), les pompiers, répertorient les cartes, le positionnement des secours, le nombre de personnes mobilisées. Chaque ravitaillement doit être détaillé, les véhicules de rapatriement mentionnés, les voitures balais, les routes traversées… Mais quand on côtoie cet environnement toute l’année, rien de choquant : « cela permet de nous protéger et de protéger les coureurs » confie Jérôme. « Que l’on ait 150 ou 500 coureurs, on recherche avant tout la convivialité, la satisfaction de tous, que la qualité du tracé et des ravitaillements soient appréciés et donnent envie de revenir… il faut que les gens qui nous ont fait confiance avant la course, ne soient pas déçu après et surtout reviennent l’année suivante. » Mais, dans le domaine du sport, les efforts sont souvent récompensés. Début Mai, la participation de figures du monde du trail était confirmée : Dawa Sherpa en tête d’affiche chez les hommes, Delphine Avenier chez les femmes.
Avec deux à trois cents participants espérés, le budget prévisionnel permettra de développer deux axes : une partie de l’argent récolté sera affectée au roulement de l’association « Gérald Pasquier », l’autre sera thésaurisée pour faire vivre la course et les projets futurs… car les deux compères ont déjà des idées.
David est enthousiaste : « dans 2 ans, on voudrait que le plus long des deux tracés fasse le tour de la vallée en passant par les 2 versants et par Samoëns, Morillon, Verchaix, les grands massifs…il serait donc un peu plus long. Et on aimerait également ajouter une épreuve découverte, de 15 kilomètres environ, dès l’an prochain ». Pour la 1ère édition, cette ambition était trop élevée : plusieurs croisements de routes imposent une logistique plus lourde et nécessitent plus de bénévoles, qui sont déjà une bonne soixantaine. Un succès en 2013 et l’équipe d’organisation sera amenée à s’étoffer. De quoi imaginer un évènement encore plus important selon David : « oui, l’ambition est de créer un Trail très connu, de le faire grandir. Dans 10 ans, il faut qu’il existe encore. Il faut qu’on transmette quelque chose, qu’on donne envie de partager cette passion. Pour l’instant, il n’y en a pas beaucoup qui courent dans le coin ».
Au-delà de l’effort. Malgré quelques regrets de ne pas avoir quelques années de moins pour accomplir ce que David montre à l’entrainement, Jérôme « aime bien cette sensation de souffrance, d’effort qui aboutit sur la notion d’accomplissement, de victoire personnelle une fois la difficulté passée. Humainement, il y a quelque chose d’intéressant là-dedans ». Car, durant ces longs mois de construction du projet, les 2 savoyards ont été guidés par une certaine vision de ce sport.
David aimerait que «les gens voient aussi la montagne comme un terrain de jeu. Malheureusement peu de jeunes autour de moi se sentent concernés. Ils font du sport-loisir, pas pour souffrir. Ils ne veulent pas comprendre pourquoi on pratique cette activité. Certains me disent « oh, tu paies pour courir ???? » ». Jérôme acquiesce : «C’est vrai qu’il y a 5-6 ans, je randonnais vers un sommet et c’est la 1ère fois que j’ai vu des traileurs. Je m’étais dit qu’ils étaient « barrés » d’aller aussi vite en montée. Et en les voyant redescendre, je me suis dit qu’ils étaient vraiment fous, qu’on ne courait jamais en descente… ce n’est que longtemps après que j’ai réalisé qu’ils s’entraînaient. En fait, au lieu de regarder la montagne d’en bas, c’est aussi bien d’aller l’admirer d’en-haut en courant. C’est un sport ouvert à tous. Tout le monde peut courir. Après c’est une question d’endurance mais ça se travaille et on n’est pas obligé de dépenser une fortune pour s’engager… ».
L’arrivée, c’est tout droit. Désormais, en ce mois de juin, le jour J se profile. Samoëns, ses 2300 habitants et son « gros tilleul » planté en 1438 vont pouvoir accueillir les 383 coureurs qui débarquent pour cette 1ère édition 2013.
Malgré la (petite) frustration de ne pas participer, les fondateurs de ce nouveau rendez-vous espèrent surtout « que tous les traileurs seront heureux, qu’il n’y aura pas d’incident » et que les curieux seront nombreux sur le village-animation et sur les chemins de montagne : « pour voir au moins ce que l’on a fait !!!».
Jérôme sait aussi qu’il ne dormira pas beaucoup la veille : il faudra penser à tout, tout contrôler, installer les dernières barrières, mais d’ores et déjà, « le pari est réussi. Je suis content de voir autant de diversité : des suisses, des belges, des espagnols, des irlandais, des anglais, des tahitiens, mais aussi côté français : des bretons, des lillois, des alsaciens, des lyonnais, des parisiens, des marseillais… on va les chercher loin, tu vois moi ça me fout des frissons… Je suis content qu’il n’y ait pas que des locaux qui se soient inscrits juste pour faire plaisir. Cela veut dire qu’il y a des personnes qui nous font confiance les yeux fermés ».
Mais, quand le départ sera donné, à n’en pas douter, ces mêmes personnes les ouvriront en grands, leurs yeux, pour admirer la Cuidex, Vigny, Folly, Oddaz, Bostan, Chardonnière, Freterolles, La Vullie, les septs monts qui surplombent le village savoyard. En chemin, ils les garderont ouverts encore pour admirer la Golèse ou la vue depuis la pointe d’Angolon. Et pour pouvoir raconter, peut-être un jour, dans vingt ans, grâce à David Justo, Jérôme Poiron et tous les autres façonneurs anonymes de cette nouvelle aventure : « Samoëns, la naissance du trail, j’y étais ! ». – S.L
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Pingback: Laissez vivre Kilian Jornet - beIN SPORTS Your Zone - Partagez votre passion et votre expertise du sport - 15/12/2014