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Hors piste, PQDS...des portraits !

Agnès Hervé, la course à la simplicité (1/2)


Elle fait partie de ces coureurs de l’impossible. A 36 ans, la traileuse(1) confirmée est aussi la gérante du magasin Team-Outdoor, à Paris. Derrière une jeune femme sensible et souriante, se cache une combattante, assoiffée de course, et avant tout amoureuse de la montagne. Une passion qu’elle vit comme une évidence. Le 1er des deux volets consacré à cette belle rencontre.

agnès hervé dans son magasin, porte dorée à paris

agnès hervé dans son magasin, porte dorée à paris

« Quand je suis à la montagne je suis à ma place, je ne peux pas décrire ce que je ressens, c’est bizarre ». Agnès Hervé, est née à Versailles et a ouvert son magasin à Paris, Porte Dorée. Une enseigne dédiée au Trail et à la course à pied. Mais c’est dans les reliefs des paysages alpins qu’elle se sent dans son élément. Elle ne se l’explique pas et n’y cherche pas de raison. C’est comme ça. Logique comme ses aptitudes pour le sport. Ses parents étaient basketteurs de haut niveau. Alors elle est tombée dedans dès l’enfance, naturellement. La petite Agnès se dirige alors vers l’athlétisme et participe à son premier cross à 7 ans. Une expérience inoubliable qu’elle termine « trempée et cra-cra » en ayant sacrifiée une chaussure, restée figée dans la boue. Au-delà du calvaire c’est le bonheur qu’elle retient : « J’étais heureuse ! ». Vient la parenthèse basket, plus pour entretenir la tradition familiale que par vocation. Mais c’est bien dans la course qu’elle s’épanouit : « J’ai toujours aimé courir, je ne l’explique pas mais c’est comme ça », se souvient-elle. Et pas question de faire de la figuration. Agnès a beau être végétarienne, elle a les crocs.

 

en pleine action sur la TDS...

en pleine action sur la TDS…

« J’aimais me battre contre les garçons ». Cet esprit de compétition, elle le développe très jeune. Et celui-ci ne se limite pas à une rivalité féminine sans doute trop facile à son goût. « J’ai toujours été une battante. Je ne lâche jamais rien. J’aimais me battre contre les garçons », ajoute en souriant la jeune femme de 36 ans. Seulement, malgré son potentiel, ce sont les études qui priment. A 18 ans elle s’inscrit « en prépa » et délaisse la course à pied contrainte et forcée. Bien que mordue, elle se prive de sa passion pendant deux longues années. « Durant cette période, j’ai pris du poids, alors mon père m’a emmené courir dans le bois de Versailles (Rires) ». Alors quand Agnès intègre l’école d’ingénieur de Lille, elle reprend l’entraînement dès qu’elle en l’occasion. Pour sa troisième année, elle s’envole pour Edimbourgh. Celle qui se décrit comme une « timide de nature » va alors se servir de ce qu’elle sait faire de mieux : courir ! « J’ai couru pour m’intégrer. Je me suis renseigné sur les courses qui avaient lieu. J’en ai fait plusieurs. J’étais devenu la petite française qui court. Je parcourais l’Ecosse  avec ma Twingo », se rappelle-t-elle.

Après l’expérience écossaise, direction Montpellier où elle compte valider sa thèse, mais sans délaisser pour autant la course à pied : « J’ai commencé à m’entraîner. J’ai intégré un club. Dès que je pouvais, je courrais dans les vignes et dans les garrigues, j’avais juste à sortir de l’école ».  Le chemin vers la course en montagne va ainsi se tracer tout seul. « J’ai fait mon premier Trail à 24 ans, 20 bornes, un « petit » Trail », indique-t-elle naturellement. 2001, marque le début de l’odyssée d’Agnès vers les grands espaces. Oui, la grande aventure peut démarrer pour cette battante. Quels que soient les conditions, le dénivelé, le brouillard ou les centaines de kilomètres de souffrance à surmonter, Agnès devient une spécialiste insatiable, même si une profonde modestie l’empêche de l’admettre. « Il y a des extra-terrestres dans la discipline. Moi, j’ai fais des choix de vie, je n’ai pas intégré de Team, c’est mon père qui est souvent venu m’aider sur les courses pour les ravitaillements ».

 

La TDS(2) : le coup de foudre. Avec moins de moyens que ses adversaires, Agnès se révèle une coureuse hors pair.

agnès hervé prend une pose "inspirée" lors d'une sortie sur les sommets

agnès hervé prend une pose « inspirée » lors d’une sortie sur les sommets

En 2008-2009, elle réalise une très grosse saison : « pendant cette période j’ai quasiment tout gagné », précise-t-elle. Elle s’inscrit alors sur les « Traces des Ducs de Savoie » (TDS) sans savoir que cette course sera désormais la sienne. Un coup de foudre : « J’adore cette course, c’est la plus sauvage, celle où il y a la plus de dénivelé ». Mais l’amour réserve bien des surprises, et la montagne est capricieuse. En tête, elle s’égare dans les sentiers, laissant filer la victoire. « J’étais au bord des larmes mais je fais deuxième », se souvient-elle avec un brin d’émotion. Ce n’est que partie remise. D’apparence douce et sensible, c’est froidement qu’Agnès évoque ses courses : « Pendant, je ne pense à rien, je ne ressens rien de spécial, je suis concentrée sur le factuel. Je suis très émotive, j’ai peur de perdre mes moyens ».
Des moyens, elle en a pourtant en réserve. Alors elle se fixe un nouveau défi : la « Mauritanienne Race 200», 200 kilomètres dans le désert qu’elle bouclera en moins de 60 heures. Et au-delà de la performance sportive exceptionnelle, ce sont les souvenirs et le surréalisme de la course qui l’emporte : « On a vraiment des hallucinations dans le désert. J’avais les pieds en sang. Je souffrais. Je voyais les check points puis ils disparaissaient ».

 La victoire n’est qu’une étape. Les mirages ne sont  donc pas une légende mais en écoutant Agnès, ce sont les récits de ses exploits qui semblent irréels. Pourtant, la Versaillaise, elle, se considère « à un niveau modeste, comparé à certaines filles ».  Et, malgré une année 2011 compliquée et marquée du sceau de la blessure, la TDS reste en ligne de mire. Une course fétiche qu’il lui faut à tout prix remporter.
IMG_1353Finalement, 2012 lui enlèvera cette épine coincée sous la peau : Agnès s’impose avec panache et boucle les 119 kilomètres en un peu plus de 19 heures, 32 minutes devant sa dauphine Juliette Blanchet, quand l’italienne Alessandra Carlini, 3ème, est reléguée à 1 heure 25 minutes. Un accomplissement. Un rêve devenu réalité : « A 2 kilomètres de l’arrivée, je n’y croyais pas, j’ai dû appeler mon coach pour vérifier. Il faut dire que les semaines et jours qui précédaient,  j’étais fatiguée, j’avais eu pas mal de problèmes de santé. Trois jours avant, je ne devais pas partir … ». Mais on ne se refait pas.  Surtout lorsque vos proches ont toujours guidé et assuré vos pas. Alors quand la jeune femme vient tout juste de décrocher son « graal », ses premiers gestes vont vers les siens, loin de toute effusion ou manifestation de joie égoïste : «  En arrivant, j’ai embrassé mon homme, j’ai remercié mon coach, et appelé mon père… et les personnes qui me sont chères. Il était plus de 2h du matin, il fallait que je les rassure. »

Celle que ses amis surnomment aussi « bourriquet » pour son entêtement, a pris pour habitude de se fixer des objectifs clairs. Et quand on lui demande quand elle compte s’arrêter de courir, la réponse est également simple, à son image : « j’arrêterai quand j’en aurai marre. J’ai 36 ans et je n’ai pas d’enfants. Je stopperai quand je n’aurai plus de plaisir ». Mais comme Agnès connait par cœur les horaires des trains de nuit Gare d’Austerlitz – Chamonix, elle suivra à jamais l’appel des massifs montagneux alpins. Comme une évidence.

– Stéphan Lemonsu / Yann Lachendrowiecz.

 

(1) On appelle « traileur  » ou « traileuse«  les participants aux Trails. Les Trails sont des courses ayant lieu dans un environnement naturel et pouvant couvrir des distances de 10 km à 160 km sur un à plusieurs jours. Certains coureurs estiment que l’appellation « Trail » ne vaut que pour les courses se déroulant en montagne et présentant un fort dénivelé. En France, la Fédération française d’athlétisme donne les définitions suivantes : course nature : course pédestre sur une distance inférieure à 21 km, avec un parcours goudronné ne dépassant pas 25 % ; Trail court : course pédestre sur une distance comprise entre 21 et 42 km, avec un parcours goudronné ne dépassant pas 25 % ; Trail long : course pédestre sur une distance supérieure à 42 km, avec un parcours goudronné ne dépassant pas 15 % ; Ultra-Trail : course pédestre sur une distance supérieure à 80 km, avec un parcours goudronné ne dépassant pas 15 %.

(2) Les Traces des Ducs De Savoie fait partie des courses liées à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. Le parcours s’étale sur 110 km avec 7100 m de dénivelé positif. Les principales difficultés sont le Col de la Youlaz (2661m), le Col du Petit Saint-Bernard (2188m), le Passeur de Pralognan (2567m), le Col de la Gitte (2322m), le Col du Tricot  (2120m)

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