Il nous ressemble, parle comme nous, vit normalement, entre famille et travail. Et pourtant, Vincent Hulin est hors-norme, un « Coureur de l’Extrême » comme le conte son premier livre. Capable d’enchaîner quatre Trails mythiques, l’ancien judoka de haut niveau sait aussi parler simplement de ses exploits, de lui, de ce sport et de ses rêves. Ultra passionnant. Voici le 1er volet de ses confidences recueillies par Plus Que Du Sport.
Comme tu es coureur d’ultra, commençons cet entretien par un « question-réponse » ultra-rapide. Ok ? Alors en route pour le micro interrogatoire : Carte d’id : nom, prénom, date et lieu de naissance ?
Hulin, Vincent. 16 avril 1973 à Tours en Indre et Loire.
Lieu de vie ?
Buxerolles à côté de Poitiers
Lieu d’entrainement ?
Tous les chemins autour et les escaliers dans Poitiers.
Taille poids ?
Ça devient un peu indécent ! 1m86 et 82 kg.
Et quand tu faisais du judo ?
Je faisais 71 kg mais je faisais de gros régimes. C’est vrai que quand je vois le morphotype de Kilian Jornet, je me dis que je fais dix kilos de trop mais comme je suis un très bon vivant, je ne suis pas contre une entrecôte avec un bon verre de rouge.
Profession ?
Journaliste radio
Depuis quand ?
1998.
Situation familiale ?
Pacsé et papa de 3 enfants.
Traileur depuis quand ?
3 ans !
Le nom de ce 1er trail ?
Le trail du Miosson, 19 km et 500 m de dénivelé positif.
Examen réussi ! Reprenons un cours normal, sans jeu de mots. Tu viens de publier « Coureur de l’extrême » aux éditions de l’onde. Tu y racontes ton expérience sur 4 grands ultra-trails (Grand Raid de la Réunion, UTMB, Marathon des Sables, Tor des Géants). Comment t’est venue cette envie d’écrire ? Quelle a été ta démarche ?
En fait, au sein de mon club, l’EPA 86, l’un des entraîneurs a un blog sur lequel, régulièrement, il est coutume de faire un petit compte-rendu suite à un trail, une course. Etant journaliste, je le faisais de façon spontanée et j’avais souvent de bons retours. Ceux qui lisaient me disait « on aimerait en savoir plus ! ». Quand j’ai commencé à faire la Diagonale des Fous et l’UTMB, cela me titillait un peu. Mais je me demandais si cela allait intéresser les gens et, aussi par fainéantise, j’avais mis ça de côté. A l’issu du Tor des Géants, j’ai fait un dernier petit récit et des collègues de ma femme lui ont confié avoir pleuré en l’ayant lu. En rentrant du travail, elle m’a répété qu’ils lui avaient dit : « c’est vraiment super, il faut qu’il écrive un bouquin ! ». Alors je me suis lancé. Le soir même, je me suis mis devant l’ordinateur et pendant trois semaines, une fois les enfants couchés, le soir, entre 21h et 1h du matin, j’écrivais, j’écrivais, j’écrivais… C’est comme ça qu’est né ce livre !
Tu as rencontré des difficultés lors de ce travail ?
Oui, il fallait que je remonte dans le temps. Puisque le Tor des Géants était ma dernière épreuve, c’était encore un peu frais. Le Marathon des Sables, était assez récent donc là aussi c’était assez frais comme souvenir. Mais pour les deux autres courses, j’ai dû remonter un an et deux ans en arrière…
Comment as-tu trouvé ton éditeur ?
Je suis allé sur le net en me disant que les maisons d’éditions les plus connues ne seraient pas intéressées. Alors j’ai regardé quelles étaient celles qui avaient publié les quelques bouquins, -parce qu’il n’y en a pas cinquante mille non plus-, qui portent sur le Trail ? J’ai envoyé mon manuscrit à six maisons d’édition et je n’ai reçu que des réponses positives. Souvent, il s’agissait de lettres types. Avec les Editions de l’Onde, j’ai eu un échange de mail. Mon interlocuteur avouait : « j’ai parcouru votre livre, j’ai ri avec vous, j’ai pleuré avec vous.. ». Je me suis dit qu’il l’avait vraiment lu et je l’ai appelé en lui posant cette question : « Etes-vous vous-mêmes coureur ? ». Il m’a répondu : « non seulement je ne suis pas coureur mais en plus je ne suis pas du tout sportif ». J’ai senti que, si quelqu’un avec ce profil était intéressé, il y avait un coup à jouer. Cette réponse incarnée constituait une belle rencontre. Et comme je suis journaliste radio et qu’il s’agissait des Editions de l’Onde… cela m’a fait marrer (rires)
Ton récit est brut ou il a été modifié par l’éditeur ?
Non, sur l’histoire elle-même, non ! Cela lui convenait mais, pour l’anecdote, et cela m’a fait sourire, je suis passé entre les mains d’une correctrice. J’ai eu des retours sur certains de mes mots ou expressions spécifiques comme « je vais bâcher » ou encore « j’ai mis mon buff sur la tête ». Et lorsque je notais « put..n ! Je m’engueule », elle notait en face « bigre ! je me vilipende » (rires). Là, j’ai dit à mon éditeur, « non ! Je parle comme ça sur une course… ». En revanche, lorsque je suis revenu de la Trans Gran Canaria , juste avant que le livre ne passe sous presse, j’ai raconté à mon éditeur : « vous avez failli me publier à titre posthume parce que j’aurai pu y passer suite à une chute ». Et c’est lui qui, à l’écoute de cette péripétie, m’a dit « c’est super, il faut ajouter ce dernier paragraphe au livre, ça rendra le récit un peu plus humain ». Et il avait raison.
Tu as choisi un ton de récit « inside », « de l’intérieur ». Pourquoi ? Etait-ce pour axer ce partage d’expérience sur le ressenti, les sensations ?
En toute modestie, j’ai essayé d’écrire le livre que j’aurais aimé lire avant de me lancer dans mes premiers Trails. J’ai lu les deux ouvrages de Kilian Jornet, mais ce gars est un extra-terrestre, je ne peux pas m’identifier à lui. Moi avant la Diagonale des Fous, j’aurais eu besoin de connaître les astuces d’autres coureurs, la façon dont ils vivaient leurs courses, les moments où ils ont des coups de mou… Alors tout simplement, j’ai écrit ce livre de l’intérieur, comme un coureur du dimanche que je suis et qui s’est mis à courir presque tous les jours pour atteindre ses objectifs, à l’image de millions de personnes en France. Je ne suis pas un coureur hors-norme, je ne joue pas les podiums. J’ai peut-être un mental un peu plus haut que la moyenne et je me donne les moyens de réussir des défis. Mas mon récit c’est « Je vous raconte, je vous emmène avec moi ». D’ailleurs, j’ai eu un retour sympa d’un type qui me disait avoir eu l’impression d’être « un petit oiseau sur votre épaule pendant toute l’aventure». C’était ça l’idée : faire vivre toutes les émotions qui nous traversent pendant un ultra.
Bien sûr, sur ces grandes courses, chaque participant connaît des passages à vide. Ces mauvais moments effraient un peu les prétendants à ces défis. Tu en as eu sur chacune des épreuves, parfois plusieurs. On sent que tu as voulu les traiter comme des étapes obligées mais tu ne t’attardes pas vraiment ? Pourquoi ? Par peur de rebuter le lecteur ou parce que le souvenir reste diffus en raison du black-out ressenti sur l’instant ?
Je n’ai pas fait de calcul en écrivant. Je les ai ressentis ainsi. Oui, sur le Tor des Géants, je vois des personnages imaginaires pendant des heures et des heures. Ce sont des moments où l’on peine, cela fait partie de la course mais cela ne fait pas toute la course non plus.
A qui as-tu voulu t’adresser ? Aux amateurs de trail ou à tout le monde ?
A tout le monde. Et les critiques qui reviennent le plus sont celles de traileurs qui auraient aimé en savoir plus sur ma préparation physique, mes programmes d’entrainement, les aspects techniques… Je ne l’ai pas fait exprès mais quand je vais acheter mon pain et que ma boulangère me confie : « j’ai lu votre livre, je n’y connaissais rien et j’ai découvert un monde de l’Ultra que je ne soupçonnais pas », je me dis que si j’avais été trop précis, trop technique, j’aurais sans doute saoulé une partie des lecteurs qui ne sont ni sportifs, ni coureurs. Alors sans le vouloir peut-être que j’ai bien fait de ne pas le faire. Mais je commence déjà l’écriture d’un deuxième bouquin dans lequel je vais aborder un peu plus les détails que je n’ai pas traités dans le premier : par exemple, si je me sers de bâtons, pourquoi et comment… On me demande souvent des conseils suite à la lecture de mon livre mais en même temps moi je ne suis pas un expert ! Je suis l’expert de ma propre expérience ! De moi-même ! Et cela n’engage que moi…
Justement, toi, Comment es-tu venu au trail ?
Tout a commencé pour mes trente piges lorsque j’ai fait le Marathon de Paris. Je m’étais dit : « quitte à en faire un seul, autant qu’il soit beau ». Je me suis entraîné seul, dans mon coin, en lisant les revues spécialisées sur le jogging. J’ai fait un temps honorable alors que je n’étais pas « coureur ». Puis, je me suis demandé ce que j’allais faire pour mes trente et un ans. J’ai entendu parler des 100 kilomètres de Millau et ça ne s’est pas trop mal passé non plus. J’ai enchaîné ensuite sur un 24h à Saint-Maixent l’Ecole. Et après avoir fini dans un état lamentable sur ce circuit d’un peu plus d’un kilomètre, – sur lequel au bout de 4 heures je me demandais ce que je faisais là-, je suis retourné au Marathon. J’en ai fait une quinzaine, souvent dans une ambiance festive avec des potes. On a fait Boston, Chicago où l’on a visité les villes avant les épreuves. Et puis, j’ai atterri dans un club par l’intermédiaire d’un ami, après m’être entraîné seul pendant dix ans. Je pensais que j’allais améliorer mon chrono. Non seulement ce ne fût pas le cas mais en plus j’ai découvert des coureurs qui venaient du bitume et glissaient vers le Trail avec ce discours « Méfie-toi quand tu vas goûter au Trail, tu vas aimer ! ». Et c’est ce qui s’est passé.
Tu regrettes ?
Ah non, non, non ! Et je ne regrette pas d’avoir attaqué le Trail à quarante ans parce que je ne suis pas usé. Je connais certains anciens sprinteurs ou fondeurs qui font de l’athlé depuis qu’ils ont dix ans et qui, aujourd’hui, ont des corps fatigués.
Cela représente quoi pour toi le Trail : la performance ? Des valeurs ? Une aventure humaine ?
Déjà, une pratique où l’on oublie totalement le chrono, une pratique beaucoup plus ludique que la route. On parcourt des environnements naturels qui permettent, lorsque l’on n’est pas bien, de lever la tête vers les sommets et de penser : « ouah quand même je suis un sacré privilégié d’être là, j’ai deux bras, deux jambes, je peux courir et autour de moi c’est juste magnifique ». Ce sport, c’est aussi, la petite tape dans le dos du gars à côté qui n’est pas au mieux et auquel on demande s’il a besoin de quoi que ce soit. Cette entraide que tu ne trouveras jamais sur un marathon. Cette ambiance sur les ravitaillements où tu manges un morceau de jambon ou de fromage du pays en échangeant parce que ça te fait plaisir. Et sur les longues distances et l’ultra, la possibilité de se lancer des défis un peu fous. C’est vrai, cela représente parfois une charge de travail et d’entraînements un peu pénibles mais une fois la ligne d’arrivée passée… Et tu traverses tellement d’émotions en l’espace de quelques heures… Tout ça, on ne l’a plus dans notre vie de tous les jours. Là, tu as faim, tu as soif, tu tombes de sommeil, tu n’as pas à surmonter ça dans la vie de tous les jours… Le Trail te permet de te mettre un petit peu en danger, de sortir de ta zone de confort, et t’aide à te sentir plus vivant qu’au quotidien.
C’est un sport que tu conseillerais à tout le monde ?
Oui, mais ne faîtes pas ce que j’ai fait : après un an de pratique, ne partez pas sur un ultra de 160km ! Je ne suis pas un bon exemple. J’ai eu la chance de faire ces grandes courses sans me blesser. Je le perçois comme ça autour de moi : il y a dix ans, le défi de ta vie consistait à faire un marathon ! Aujourd’hui, c’est de faire un « 160 bornes » dans la nature ! Mais attention, nous ne sommes pas tous égaux là-dessus. Certains de mes amis me surpassent sur 40-50 kilomètres mais à partir de 80 bornes, ils sont inexistants. Certains n’arrivent plus à boire ou à avaler quoi que ce soit et vomissent… C’est comme ça. Ces distances ne sont peut-être pas faites pour tout le monde. Mais le Trail de manière générale, j’encourage tout le monde à y venir. Allez-y… mais progressivement !
Fin de la 1ère partie ! retrouvez la suite de l’ITW ici .
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Pingback: Vincent Hulin, Coureur de l’Extrême (n°2/2) : « Le trail, un rendez-vous avec soi-même. » | Plus Que Du Sport - 31/07/2015