Suite et fin de notre série de 5 vidéos et articles consacrés à l’Opération Atacama. Le sportif-aventurier, Charles Hedrich, et l’ultra-traileur, Sylvain Bazin, nous présentent les aspects techniques de leur tentative : matériel, gestion de l’eau, recyclage de leur urine, alimentation…
« Opération Atacama #4 » c’est, sans aucun doute, Plus Que Du Sport .
A pied et sans assistance. La traversée du désert de l’Atacama devrait durer 40 à 50 jours. Tout dépendra… Du matériel, des hommes, de la gestion des ressources et du climat, de la fiabilité des calculs. De l’imprévu. Ou de la chance. C’est selon…
Pour nos deux aventuriers, les deux seules certitudes viendront du ciel : ils auront beau lever la tête, la pluie ne tombera pas, et, tout au long de leur trajet, la nuit leur offrira continuellement l’une plus belles voutes célestes jamais observées sur la planète (pas étonnant que plusieurs observatoires astronomiques internationaux aient élu domicile dans cette zone). Pour le reste, il faudra s’adapter.
En ce début janvier, les premiers tests et repérages ont confirmé le choix des attelages destinés au périple.
« Un-Deux..Un-Deux.. ». Depuis le Chili, Charles Hedrich l’a confié dans sa dernière chronique sur Radio Nova : « Aucun chariot standard adapté à ce type d’expédition n’existe dans le commerce. Nous testons différents systèmes : une brouette à deux roues avec des bras rallongés, un caddie de golf particulièrement solide, une planche à roulettes tout terrain, une petite charrette, un fauteuil handisport en titane. Finalement, l’engin qui semble présenter le meilleur compromis : solidité, légèreté, capacité pour être tiré sur des terrains variés et accidentés c’est un char à voiles pour enfant à trois roues assez larges. »
Sur la voie suivie entre Pozo Almonte et Copiapo, l’altitude oscille au delà de 2000 mètres. Atteint parfois le double. De quoi éreinter les organismes. Les cailloux et un sable compact constituent la matière principale du terrain à parcourir. Alors les chariots doivent être pratiques, maniables. Dans la mesure du possible puisqu’ils devront supporter 120 kilos dès le départ et se laisser tracter facilement : le seul point d’eau naturel disponible se situe à mi-parcours, à 450 kilomètres des premiers pas. Jusque-là, il faut tenir. » On prend 4 litres d’eau par jour et par personne. On estime à 20 jours notre autonomie, ce qui fait déjà 80 litres. Et après le reste, c’est du matériel : des vêtements, une tente, etc… » explique l’expert en expéditions. » On ne peut pas réduire son poids ni son volume », ajoute Sylvain, « on prends essentiellement de l’eau. En terme d’équipement, c’est assez minimal…. »
Ajoutez à cela, une ration alimentaire d’un kilo par jour et le calcul est vite fait. 12o 000 grammes ! Leurs forces, les deux explorateurs les tireront essentiellement d’un « pain de l’effort » compact, noir, complet, du type du « pumpernickel » d’origine germanique. Les calories ne manqueront pas. Le plaisir, lui, attendra. Oui, il faut bien s’adapter.
Urinothérapie. Envisager de boire son urine aussi. Rien à voir avec l’ »amaroli« , cette pratique controversée qui consiste à boire une partie de ce liquide biologique pour entretenir sa santé ou se soigner. Non, là-bas, dans l’Atacama, il s’agira peut-être de survie. Après tout, pourquoi pas ? La « pisse » est composée à 95% d’eau. Et Charles Hedrich l’a déjà éprouvée : « le dispositif est simple : 2 bouteilles reliées par un adhésif, disposées à l’horizontale. Dans la première que l’on laisse au soleil, on met l’urine qui s’évapore et va se condenser dans la 2ème bouteille, que l’on a placé à l’ombre« . Ainsi, 1,5 litres de « divin nectar » peut être récupéré et dégusté chaque jour. Pour se désaltérer. Un détail qui semble quelques peu rebuter Sylvain Bazin : « Je pense qu’il faudra surtout que l’on compte sur nos propres réserves d’eau. Avec la quantité que l’on emporte, si l’on marche quand il fait frais, de nuit ou au petit matin, et que l’on s’arrête aux heures les plus chaudes, je pense que cela va suffire. Après cela dépendra aussi du temps que l’on va mettre « . Son partenaire complète : » Le but c’est de transpirer le moins possible. La nuit, il fait quelques degrés au-dessus de zéro, donc on transpire peu. Par contre, le jour, cela peut monter à 40-50 degrés, donc il faudra bouger le moins possible et rester à l’ombre sous une bâche« . A l’image des quelques espèces peuplant ces contrées désolées. Leur sang s’adapte à la température de leur milieu. Leur activité aussi.
Quoi qu’il en soit, l’expédition fera des dégâts. Par expérience, Charles Hedrich pense perdre une dizaine de kilos. Sylvain Bazin, un peu moins. Question de morphologie. Et si l’un des deux arrête ? Quid de l' »Opération Atacama » ? Le premier ne transige pas : « si l’un de nous est malade ou se fait mal, que l’on peut le faire récupérer, et que l’autre peut continuer, il continue…« . Le second non plus : » On ne sait pas ce qui peut arriver. Effectivement, on peut tomber malade, se faire mal à une cheville ou tout bêtement avoir un problème physique, de tendons ou autre… C’est plus ou moins convenu : si l’un de nous doit arrêter pour une raison impérative, l’autre va essayer de continuer. Il faut qu’il y en ait au moins un des deux qui arrive au bout. Mais à priori, le but est d’arriver à réaliser ce projet ensemble…« . L’exploit serait gravé dans le marbre. Immuable. Éternel.
Franchir la ligne. Mais pourquoi, pour qui ? Est-ce si important d’établir un tel record ? Charles Hedrich se montre fidèle à son étiquette de sportif-aventurier : »Quand je cours l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, je n’ai pas de prétention si ce n’est de terminer. Je ne vais pas me mettre à le remporter aujourd’hui. Mais, moi, tout m’intéresse. Un record m’intéresse ! Une première comme celle-là m’intéresse ! Et participer à la Transat anglaise ou au Vendée Globe, comme j’ai pu le faire, m’intéresse aussi. Maintenant, si record ou première il y a, c’est encore mieux ! « . L’ultra-traileur est un peu plus pragmatique lui : » Je suis toujours un peu limite sur mes budgets pour mener mes projets habituels tels que le parcours de chemins historiques. J’espère qu’un record débloquera les choses à ce niveau là. J’ai déjà un retour médiatique avec cette tentative de traversée. Cela reste confiné au milieu spécialisé. Alors j’espère qu’il y en aura encore plus au niveau du grand public. » Les préoccupations peuvent paraître différentes. Pourtant, l’état d’esprit reste le même.
Les deux hommes sont déjà soudés et savent éviter, -ensemble et séparément-, le piège tendu par notre dernière interrogation. « Imaginez : l’arrivée se profile, il ne reste que quelques hectomètres. Pourquoi ne pas courir pour être définitivement le premier à réaliser cette performance encore inédite en ce début de XXIème siècle ?« . Charles s’offusque presque : » ah non, non, pas question ! Si on arrivait tous les deux, ce que l’on espère, c’est pour terminer ensemble. On est une équipe, on arrive ensemble ! » puis dans un second souffle nous rappelle que « ce ne serait même pas la peine d’essayer de toute façon. Une fois les chariots allégés, sur un ou deux kilomètres, il n’y a pas photo : sylvain vaut 2h30 sur marathon. Moi, je suis très, très loin derrière…« . Justement, Sylvain, lui, perçoit immédiatement la malice derrière la question et s’en amuse ouvertement : » ah non, non, ça, je ne le pense pas… il n’y aura pas de notion de chronomètres… Si on a le bonheur de terminer ensemble, on arrivera main dans la main, il n’y aura absolument pas de compétition à ce niveau-là…« .
On entendrait presque l’écho d’Antoine de Saint-Exupéry qui écrivait dans « Terre des Hommes », après s’être égaré dans le Sahara Libyen : »Pourquoi nous haïr ? nous sommes solidaires, emportés sur la même planète, équipage d’un même navire« .
Ce bel équipage que composent Charles Hedrich et Sylvain Bazin, avec leurs navires à trois roues, sur cette mer de sable. On lui souhaite de vaincre le défi impossible : dompter l’Atacama ! – S.L
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